Conférence de Richard Nash lors du colloque "Les enfants sauvages" organisé par Déborah Lévy-Bertherat et Mathilde Lévêque du département Lila ENS.
Dans cette communication, je veux reprendre ma réflexion sur les réponses de la culture populaire, celle du peuple comme celle des élites, à l’arrivée en Angleterre de Peter, le « jeune sauvage » de Hanovre. C’est l’occasion de revenir sur un terrain déjà exploré (Wild Enlightenment, 2003), mais d’un point de vue légèrement différent, informé non seulement par ce que la recherche récente a apporté sur le sujet, mais aussi par ce que j’ai appris depuis dans une aire de recherche voisine. Quand Peter arrive en Angleterre, Defoe le décrit comme un exemplaire de « l’homme naturel », celui que le monde savant attendait, un sujet empirique sur lequel éprouver les croyances sur la nature humaine, vierge de toute culture. À la mort de Peter, Blumenbach récuse non seulement son statut spécifique d’ « enfant sauvage », mais le concept même ; pour Blumenbach, l’homme est « le seul animal naturellement domestique ». Incapable de parler pour lui-même, Peter se prête idéalement à toute une série de développements rhétoriques, tant satiriques que philosophiques. En explorant ces développements, non seulement à la fin des années 1720 (quand l’opposition à Walpole est à son comble), mais aussi dans les décennies suivantes, nous pourrons retracer l’évolution de la personnalité et du personnage, marquant une transformation fondamentale du goût littéraire, de la satire en prose vers la fiction domestique. En suivant la vie culturelle de Peter de 1726 à sa mort en 1783 (et en examinant ses représentations tant rhétoriques que graphiques), nous retracerons la transformation des idées sur la personnalité, le personnage littéraire, la satire, la fiction, la curiosité philosophique et la sensibilité domestique. On remarquera surtout comment l’espace performatif de la Cour et de la Maison royale a autorisé la curiosité philosophique et le détachement ironique lors de l’arrivée de Peter en Angleterre, mais que l’ère de sensibilité qui a suivi a effacé ces modes au profit d’une idéologie révélatrice de l’importance accrue accordée à l’espace domestique bourgeois.
Voir aussi
|
Cursus :
Richard Nash est membre du Centre des études sur le XVIIIe siècle à l’Université d’Indiana et de l’American Society for Eighteenth-Century Studies. Ses recherches portent sur la littérature et la culture britanniques au XVIIIe siècle et plus particulièrement sur la littérature et la science, notamment à la Restauration et au début du XVIIIe siècle.Il est l’auteur de Wild Enlightenment: The Borders of Human Identity in the Eighteenth Century (University Press of Virginia, 2003). Il se concentre actuellement sur les origines du cheval de course pur-sang. Ces deux projets le conduisent à explorer l’hybridité entre nature et culture et les origines de la modernité.
Cliquer ICI pour fermerDernière mise à jour : 28/01/2016