Exposé de Hugo Mercier lors de la table-ronde intitulée "The development of teacher-learner interaction" dans le cadre du colloque international organisé par le Groupe Compas (Ecole normale supérieure), avec le soutien du Collège d’études mondiales/FMSH, de l’École normale supérieure, de l’Université Paris-Sorbonne (équipe Sciences, normes, décision) et du GDRI « Éducation et neurosciences » du CNRS.
Colloque "La cognition du maître"
Les processus à l’œuvre chez les maîtres
L’éducation
est une question dont l’importance n’échappe désormais plus à personne.
Les sciences cognitives, en conjonction avec les sciences de
l’éducation et les sciences sociales, offrent un angle d’attaque qui
commence à porter ses fruits. Les processus fondamentaux à l’œuvre dans
toute entreprise éducative, qu’ils soient individuels ou collectifs,
dépendent des capacités mentales des participants : l’idée n’est pas
nouvelle, ce qui l’est est que ces capacités sont désormais accessibles
aux méthodes et concepts des sciences cognitives.
L'effet du maître
Celles-ci
se sont intéressées jusqu’à présent surtout aux processus internes à
l’apprenant, aux mécanismes mis en jeu au cours de l’apprentissage. Un
autre aspect a été largement négligé jusqu’à tout récemment : il s’agit
des processus à l’œuvre chez les maîtres. Cette question est d’autant
plus cruciale que nous disposons aujourd'hui de preuves solides de
l’«effet du maître». Par-delà les intuitions et les anecdotes
biographiques, les études économétriques montrent que cet effet s’exerce
sur le long terme dans la «vraie vie» : un bon maître à l’école
améliore sensiblement les perspectives de l’adulte, mesurées selon les
indicateurs sociologiques classiques.
Pour espérer comprendre ce
qui fait et ce que fait un bon maître, et ce qu’il est possible de
changer, en matière de formation, de sélection et de conditions
d’exercice, pour améliorer la proportion des bons maîtres, il faut
s’attaquer à la question de la «cognition du maître». C’est une piste de
recherche qui vient de s’ouvrir, et dont le colloque se propose de
présenter les premiers résultats et les promesses.
Une approche translationnelle
L’approche
la mieux adaptée est la recherche translationnelle, qui met en relation
les travaux théoriques et la pratique éducative dans toutes ses
dimensions. Les ressources conjuguées de la psychologie expérimentale,
des neurosciences, de la théorie évolutionnaire, de l’anthropologie, de
l’éthologie, des théories formelles de l’apprentissage portent
notamment sur l’«instinct» pédagogique, son rapport aux fonctions
cognitives fondamentales, sa plasticité, sur l’expertise du maître, sur
le rôle des compétences disciplinaires, sur la distribution des
fonctions pédagogiques dans l’espace et le temps. On se garde ainsi de
deux dangers : les œillères de laboratoire, qui font abstraction des
conditions réelles, et les œillères de terrain, qui empêchent de voir
au-delà de sa paroisse et font oublier les processus universels à
l’œuvre en tout temps, dans tous les systèmes, dans toutes les
traditions. Ce n’est pas nier les différences : c’est ainsi que le
métier d’enseignant s’exerce aussi souvent dans un contexte marqué par
la pénurie et le conflit ; une session sera de fait consacrée aux
dimensions sociale, politique et culturelle. Il n’empêche que le
meilleur cadre pour aborder ces questions est à la fois
interdisciplinaire et transnational.
Voir aussi
Cursus :
Hugo Mercier est Chercheur au CNRS et membre du centre de sciences cognitives de l’Université de Neuchâtel.
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