Journée d'étude consacrée à l'Espagne post-15M
Marta Alvarez : Cinéma indigné : de la rage à l’action.
En mai 2011, dans un contexte de sévère crise économique mondiale (la crise des subprimes) et nationale (éclatement de la bulle immobilière), les places des grandes villes espagnoles ont été ocupadas pendant plusieurs semaines, donnant lieu au plus vaste mouvement citoyen connu depuis les premières années de la transition démocratique (1975-77). Les citoyen-ne-s mobilisé-e-s exigeaient, entre autres, davantage de démocratie (Democracia ya), des relations sociales horizontales et exemptes de domination masculine, la fin de la corruption et de la collusion entre pouvoir politique et financier, une attention aux soins (cuidados) et aux problématiques écologiques. Il s’agissait de l’apparition sur la scène publique du mouvement des Indignados (2011) qui a beaucoup changé la vie sociale et l’activité politique espagnoles et ce dans de multiples registres.
De nouveaux modes d’organisation citoyens, tous traversés par le politique, le social et le culturel, ont alors fait leur apparition ou sont sortis de l’ombre : depuis la PAH (Plataforma de los Afectados por la Hipoteca fondée en 2009), en passant par les centres okupas (squats culturels et politiques), les espaces de travail collectifs et administrés collectivement, les jardins et parcs pour enfants autogérés, les théâtres militants, les actions culturelles co-participatives, les universités populaires, les associations d’universitaires horizontales, les nouveaux médias collaboratifs… Il s’agit de changements déclenchés par les mouvements sociaux, les marées citoyennes et les acampadas, qui connaissent de multiples prolongements dans l’Espagne d’aujourd’hui et ont imprimé une trace pérenne sur la manière de dire le monde chez les activistes, les étudiants et universitaires (en particulier ceux qui ont dû « s’exiler ») mais qui ont aussi informé une ample gamme de manifestations culturelles (par exemple, grâce à l’usage du langage « inclusif »). Ces changements ont par ailleurs été innervés par la puissance du mouvement féministe qui, au-delà de la lutte pour l’égalité des droits, a développé une attention à la rhétorique militante, au symbolique, a fait de la visibilisation des affects et du lien entre vie privée et politique une priorité, et donne lieu à de nouveaux modes de communication politique —comme celui de la maire de Barcelone, Ada Colau—, et d’organisation familiales et collectives. Il s’agira de réfléchir à ces changements, issus d’un profond mécontentement social, qui ont en partie modifié l’organisation du travail, le spectre démocratique dans les quartiers, et la scène politique. Ils ont contribué à remettre en question une forme traditionnelle de représentativité, motivant notamment l’apparition de partis tels que Podemos et de plateformes citoyennes ou confluencias qui administrent actuellement certaines villes espagnoles (Barcelone, Madrid, Saragosse, Cadix, Valence). Bien que ces changements aient été avant tout sociaux et politiques, ils ont également été une source d'inspiration pour le cinéma (en particulier documentaire), la littérature, le spectacle vivant ou encore la bande dessinée. En effet, une partie de la culture s’est récemment « réarmée politiquement », qu’elle tente de déconstruire une crise considérée comme une « arnaque » ou un signe de « décomposition du système », ou qu’elle se propose d’accompagner ou de rendre visibles les nouvelles pratiques démocratiques. Nous interrogerons donc l’Espagne post 15M, la façon dont les bouleversements socio-politiques s’expriment dans le tissu citoyen et se réinventent à travers différentes formes culturelles et/ou artistiques.
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Dernière mise à jour : 16/04/2019