Conférence de Marie-Hélène Pépin (Météo France) dans le cadre du séminaire "Perception du climat : Les "grandes figures" de la météorologie et du climat ", proposé par le CERES (Centre de formation sur l’environnement et la société) de l'ENS.
Afin de contrer l'effet Matilda, théorisé par Margaret W. Rossiter, qui correspond au déni, à la spoliation ou à la minimisation récurrente et systémique des contributions des femmes à la recherche scientifique, Marie-Hélène Pépin propose ici un retour sur plusieurs figures féminines des sciences de l'atmosphère, en s'attardant particulièrement sur deux figures du XXè siècle : Arlette Vassy (1913-2000), et Arlette Rigaud. (1943-2000).
Support PDF de la conférence de Marie-Hélène Pépin.
L'effet Matilda : scientifiques oubliées
On appelle l'effet Matilda le déni, la spoliation ou la minimisation récurrente et systémique de la contribution des femmes à la recherche scientifique, dont le travail est souvent attribué à leurs collègues masculins. Il a été nommé ainsi par Margaret W. Rossiter, historienne des sciences, en hommage à la militante féministe Matilda Joslyn. De nombreuses femmes ont été oubliées dans l'histoire des sciences de l'atmosphère, parmi lesquelles ont peut citer :
- Hypatie d'Alexandrie (...-415): philosophe néoplatonicienne, astronome et mathématicienne grecque du IVe siècle, assassinée par des fanatiques chrétiens.
- Sophie Brahe (1556-1643) : Danoise passionée d'astronomie, de chimie, d'horticulture et encore de généalogie. On lui doit notamment un traité sur la pierre philosophale.
- Maria Cunitz (1610-1664) : astronome de Silésie à l'origine d'une nouvelle solution au problème de Kepler pour déterminer la position d'une planète sur son orbite.
- Emilie du Châtelet (1706-1749) : femme de lettre, mathématicienne et physicenne française, grande figure du Siècle des Lumières. Elle est connue pour avoir eu une liaison avec Voltaire, mais elle a surtout traduit et remis en cause Newton et contribué à diffuser l'oeuvre physique de Leibniz. Elle obtient une certaine reconnaissance de ses pairs mais attire aussi de nombreuses critiques au sujet de sa liberté de moeurs. Lorsqu'elle meurt en couche, Voltaire dit : "J'ai perdu un ami de vingt-cinq années, un grand homme qui n'avait de défaut que d'être femme".
- Claudine Picardet (1735-1820) : chimiste, minéralogiste, météorologue et traductrice d'ouvrages scientifiques, elle a fréquenté de nombreux scientifiques de l'époque (notamment Lavoisier pour qui elle fait des relevés de pression). Elle a beaucoup publié, d'abord anonymement, puis sous son nom.
- Sophie Germain (1776-1831) : mathématicienne et physicienne française, elle se forme aux mathématiques en autodidacte, malgré les tentatives de ses parents pour l'en dissuader. Elle parvient à se procurer les cours de l'Ecole Polytechnique, et échange avec des professeurs sous le nom de Monsieur Le Blanc. Elle acquiert une certaine notoriété au sein du cercle des scientifiques parisiens, grâce à ses travaux sur la mécanique des fluides et la théorie des nombres.
- Caroline Herschel (1750-1848) : astronome allemande, elle est à l'origine de la découverte de nouvelles comètes. Elle devient la première femme à être rétribuée pour services rendus à la science, et reçoit en 1828 la Médaille d'or de la Royal Astronomical Society.
Outre ces femmes oubliées, trois grandes astronomes ont changé notre façon de voit l'univers : Henrietta Swan Leavitt (1886-1921), maintenant réhabilitée et à l'origine de la loi dite de Leavitt ; Cecilia Payne (1900-1979), à l'origine d'une meilleure compréhension des étoiles (son directeur de thèse, Russel, s'est approprié sa découverte) ; Vera Rubin (1928-2016), à l'origine de la découverte de la matière noire.
Femmes météorologues en France et dans le monde
Parmi les femmes qui ont marqué l'histoire de la météorologie, il faut retenir deux noms :
- Joanne Simpson (1923-2000) : première femme docteure en météorologie, passionnée de cyclones, elle développe le premier modèle de simulation d'un nuage et est la première femme à recevoir le prix de l'Organisation Mondiale de la Météorologie.
- Katherine Johnson (1918-2020) : en tant que femme noire, elle se heurte aux règles de la ségrégation. Elle est payée comme calculatrice au National Advisory Committe for Aeronautics, mais fait en réalité un travail d'ingénieur notamment sur les turbulences et sur le programme Apollo 11.
En France, il y a toujours eu des noms de femmes dans les annuaires du Service national de météorologie : secrétaires, cuisinières, calculatrices, et même météorologistes (après 1921). Marguerite Graverol (1895-1988) est la première femme nommée "Ingénieur en chef de la météorologie" en 1945, mais il faut attendre 1970 pour l'ouverture des concours aux femmes. Deux grandes figures féminines de la météorologie française à retenir :
- Arlette Vassy (1913-2000) : professeure agrégée de physique à la Sorbonne, épouse d'Etienne Vassy (physicien), elle écrit sa thèse de doctorat sur l'absorption atmosphérique du rayonnement solaire, puis travaille au sein du CNRS sur l'ozone.
- Arlette Rigaud (1943-2000) : elle intègre le groupe de recherches sur la Physique du Nuage et met au point une "chambre à nuage". Elle porte les aspects politiques et financiers du projet de coopération Aladin entre la France et plusieurs services hydrométéorologiques de la région d'Europe centrale et orientale, pour développer avec les scientifiques des pays concernés un modèle de prévision du temps sur leur territoire.
Voir aussi
Cursus :
Marie-Hélène Pépin est en charge du département Documentation à.Météo France.
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