"Personne est le portrait, en vingt-six angles et au centre absent, d’un homme sans moi, d’un mélancolique (ou encore, le mot est plus dur et entretient des rapports moins étroits avec la littérature, d’un maniaco-dépressif). De « A » comme « Antonin Artaud » à « Z » comme « Zelig », en passant par « C » comme « Clown », « K » comme « Kabyle » ou « S » comme « SDF », défilent la foule des doubles, le peuple de masques que cet homme abritait, les rôles dans lesquels, tour à tour, il se projetait. Lettre après lettre, la figure se recompose d’un moi qui était plus encore un « nous » ou un « eux » en même temps que se dessine le relief intérieur, la géographie accidentée de la mélancolie. Dans cette langue élémentaire s’égrène aussi le B.A.-BA de la mémoire, l’impossible coïncidence avec les mots de l’enfance : personne, comme le lieu où se déploie l’absence, personne comme l’identité d’un homme qui pour n’avoir jamais fait bloc avec lui-même a laissé place à tous les autres en lui, personne comme le masque, aussi, persona, que portent les vivants quand ils prêtent voix aux morts et à la littérature quand elle prend le visage de la folie."
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Cursus :
Gwenaëlle Aubry est une romancière et philosophe française. Ancienne élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm et du Trinity College de Cambridge, elle est agrégée et docteur en philosophie. Maître de conférences (philosophie ancienne et générale) à l'université Nancy-II de 1999 à 2002, chargée de recherche au CNRS depuis 2002, au Centre Jean Pépin.
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