Une célèbre chanson des années vingt demandait « Où cours-tu, petite pomme ? », et suivait la pomme, entre bourgeois, koulaks et officiers, du camp des Blancs à celui des Rouges. Le film éponyme de Doller et Obolenski (Mejrabprom, 1926) situait cette course folle en Ukraine, rajoutant au tableau du chaos généralisé de la guerre civile les troupes allemandes, les Verts (bandes armées autonomes), les anarchistes et les haïdamaks (nationalistes ukrainiens). Pour être complet sur les quatorze pouvoirs qui tentèrent de s’imposer au sud-ouest de l’ex-empire tsariste, il faudrait aussi décomposer le communisme et le nationalisme en leurs sous-tendances...
Hormis les enjeux géostratégiques que recèle l’espace ukrainien, on peut s’interroger sur les ressorts internes qui ont violemment poussé les Ukrainiens dans la mêlée. Sur quelles identités sociales, nationales ou idéologiques les belligérants tentaient-ils de jouer pour susciter l’adhésion ? Voulaient-ils exacerber la furie populaire ou au contraire la canaliser ? Sur quels compromis et/ou apories pouvaient-il ensuite espérer (re)construire un État ?
Ces questions donnent à voir comment s’écrit l’histoire de la période révolutionnaire au-delà des clivages politiques convenus. Elles éclairent également un état des rapports de pouvoir, jusqu’aux nouvelles « révolutions » de 1991 et 2004.
Conférence donnée par l'historien Eric Aunoble dans le cadre de la semaine culturelle L’Ukraine et la Biélorussie organisée à l'ENS en 2006.
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Cursus :
Eric Aunoble est chargé de cours suppléant à l'Université de Genève.
Il a commencé ses recherches sur l’Ukraine soviétique dans les années 1990 en préparant une thèse de doctorat sur les communes comme forme d’utopies révolutionnaires. Cela lui a permis de travailler en profondeur sur les sources soviétiques des années 1919-1935. Cette recherche, concrétisée par la publication d’un livre, est aujourd’hui poursuivie et développée selon trois axes : la dynamique des conflits liés à la période révolutionnaire; l’élaboration d’une culture soviétique ; les rapports sociaux dans l’Ukraine des années 1920-1930.
Il participe au groupe de recherche La Fabrique du soviétique dans les arts et la culture, initié par Marie-Christine Autant-Mathieu (CNRS – Arias) et Cécile Vaissié (université de Rennes 2) et au projet de recherche Le cinéma en Union soviétique et la guerre, 1939-1949, initié par Valérie Pozner (CNRS – Arias) et Alexandre Sumpf (université de Strasbourg) et soutenu par l’ANR (2013-2015).
Dernière mise à jour : 01/04/2022