"Cette intervention vise à étudier la présence de l’Inde dans la vie intellectuelle et littéraire française des années 1910 aux années 1930. Elle s’inscrit dans une lecture critique de l’ouvrage fondateur d’E. W. Saïd, L’Orientalisme. Le but de cette lecture n’est pas de nier l’existence du discours orientaliste dont l’auteur a dégagé les caractéristiques :
Ce discours, au moins depuis le début du xixe siècle, se caractérise par la mise en place d’une opposition de type essentialiste entre Orient et Occident et par l’idée d’une supériorité de l’Occident sur l’Orient. Il s’agit en revanche de mettre en cause l’idée d’un discours orientaliste intangible qui se résumerait à quelques variations autour de thèmes communs et à une énonciation essentiellement dévalorisante. Au rebours de toute idée d’une omniprésence du discours orientaliste, je propose quatre pistes de réflexion pour sortir du binarisme entre Orient et Occident et pour doter l’Orient du statut, non pas d’autre essentialisé, fût-il valorisé, mais d’autre par rapport à lui-même et aux représentations qu’on donne de lui – d’autre pluriel pris dans le devenir : 1) Il n’y a pas un mais des Orients : des espaces orientaux différents et pris en charge dans des espaces occidentaux eux aussi différents, les uns et les autres entrant en contact dans des conjonctures particulières. 2) tous les textes (littéraires, scientifiques, politiques, etc. ne peuvent être envisagés de la même manière, dans la mesure où leurs qualités génériques et institutionnelles varient considérablement. 3) les textes sont rarement univoques, en particulier parce qu’ils ne relèvent pas du discours ou que tout en eux ne relève pas du discours. Il arrive qu’une représentation se déplace, voire surgisse, qui n’était pas préalablement mise en discours par la tradition orientaliste. 4) les textes sont produits dans un contexte social, politique, intellectuel et surtout littéraire particulier qui peut pousser à se saisir de l’Orient à des fins de maîtrise. Mais ce contexte permet aussi à des individus ou à une société de s’identifier, se réformer, s’accomplir – ouvrir ou fermer des possibles de tous ordres.
Sous ce rapport, la production littéraire et intellectuelle françaises des années 1920 présente une réelle singularité. A l’occasion d’une crise sans précédent de l’Europe et plus largement de l’Occident faisant suite à la Première Guerre mondiale et dont le célèbre texte de Valéry, « La crise de l’esprit », fixe les caractéristiques, on observe un mouvement d’ouverture de grande ampleur vers l’Orient qui apparaît comme l’inspirateur d’un nécessaire renouveau spirituel(...) Nous exposerons donc l’état des différentes scènes discursives sur lesquelles l’Inde est présente (scène indianiste, scène historique, scène catholique), les bouleversements de nature très différente introduits par la présence de l’Inde sur la scène littéraire et intellectuelle au cours des années 1920 et 1930 et les questions que pose ces bouleversements en direction à la fois de la manière dont on peut considérer l’orientalisme et la théorie post-coloniale, ainsi que sur la façon d’écrire l’histoire de la littérature (française)."
Voir aussi
|
Cursus :
Guillaume Bridet est Maître de conférences à l'Université Paris 13 au Centre d'Etude des Nouveaux Espaces Littéraires dont il est le trésorier. Il est responsable du Parcours Métiers de l'enseignement (CAPES de Lettres modernes).
Cliquer ICI pour fermerDernière mise à jour : 12/06/2012