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La Condition ouvrière / Exister n’est pas une fin pour l’homme
mercredi 17 janvier 2024

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Descriptif

« Condition première d’un travail non servile », pp.419-20
« Exister n'est pas une fin pour l’homme »

 Par Emmanuel Gabellieri, Doyen et Professeur à l’Université Catholique de Lyon


Introduction : Condition première… seul texte de Marseille intégré à la CO - Découpage proposé :
(I) Le travail servile : pure soumission à la nécessité sans finalité intrinsèque (p. 418-23)
(II)Le travail non servile (condition 1) : union des moyens et des fins dans les « intermédiaires » constitués par les propriétés « symboliques » de la matière et des travaux (p.423-29)
(III) La capacité d’attention (condition 2) comme principe d’égalité spirituelle entre tous les travailleurs et tous les métiers (p.429 à 34)

Extrait de texte (Partie I, et début Partie II en contrepoint)
« Il y a dans le travail des mains, et en général dans le travail d’exécution, qui est le travail proprement dit, un élément irréductible de servitude que même une parfaite équité sociale n’effacerait pas. C’est le fait qu’il est gouverné par la nécessité, non par la finalité.[418-19]
Exister n'est pas une fin pour l'homme, c'est seulement le support de tous les biens, vrais ou faux. Les biens s'ajoutent à l'existence. Quand ils disparaissent, quand l'existence n'est plus ornée d'aucun bien, quand elle est nue, elle n'a plus aucun rapport au bien. Elle est même un mal. Et c'est à ce moment même qu'elle se substitue à tous les biens absents, qu'elle devient en elle-même l'unique fin, l'unique objet du désir. Le désir de l'âme se trouve attaché à un mal nu et sans voile. L'âme est alors dans l'horreur.
Cette horreur est celle du moment où une violence imminente va infliger la mort. Ce moment d'horreur se prolongeait autrefois toute la vie pour celui qui [419], désarmé sous l'épée du vainqueur, était épargné. En échange de la vie qu'on lui laissait, il devait dans l'esclavage épuiser son énergie en efforts, tout le long du jour, tous les jours, sans rien pouvoir espérer, sinon de n'être pas tué ou fouetté. Il ne pouvait plus poursuivre aucun bien sinon d'exister. Les anciens disaient que le jour qui l'avait fait esclave lui avait enlevé la moitié de son âme. Mais toute condition où l'on se trouve nécessairement dans la même situation au dernier jour d'une période d'un mois, d'un an, de vingt ans d'efforts qu'au premier jour a une ressemblance avec l'esclavage. La ressemblance est l'impossibilité de désirer une chose autre que celle qu'on possède, d'orienter l'effort vers l'acquisition d'un bien. On fait effort seulement pour vivre. (…)
Tout est intermédiaire dans cette existence, tout est moyen, la finalité ne s’y accroche nulle part. (…) La nécessité est partout, le bien nulle part.[420]
(…) Il y a un seul cas où la nature humaine supporte que le désir de l’âme se porte non pas vers ce qui pourrait être vers ce qui pourrait être ou qui sera, mais vers ce qui existe. Ce cas c’est la beauté.[423] (…) Par aucune ruse, aucun procédé, aucune réforme (…) la finalité ne peut pénétrer dans l’univers où les travailleurs sont placés par leur condition même. Mais cet univers peut être tout entier suspendu à la seule fin qui soit vraie. Il peut être accroché à Dieu. La condition des travailleurs est celle où la faim de finalité qui constitue l’être même de tout homme ne peut pas être rassasiée, sinon par Dieu. (…) Le difficile pour eux est de lever la tête. Ils n’ont pas (…) quelque chose en trop (…) Ils ont quelque chose en trop peu. Il leur manque des intermédiaires. [424]»

Plan suivi :
1. Le travail, pure soumission à la nécessité : l’opposition de la nécessité et du bien, de l’existence et de la finalité
2. L’existence réduite à elle-même, l’horreur du seul rapport à soi
3. L’esclavage, ou le malheur d’exister (sans dialectique du maître et de l’esclave)
4. La condition prolétarienne, version moderne de l’esclavage
5. La finalité peut-elle descendre dans le travail ? Le double sens d’« intermédiaire », et les metaxu

Lors de la journée d’étude sur le recueil La Condition ouvrière de Simone Weil qui s’inscrit dans le cadre de la préparation à l’agrégation de philosophie proposée par le Département de Philosophie de l'ENS-PSL. Chaque intervention prend la forme d’une explication de texte d’un extrait de l’oeuvre de Simone Weil.

 

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Auteur(s)
Emmanuel Gabellieri
Université Catholique de Lyon
Philosophe

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Cursus :

Emmanuel Gabellieri est philosophe. Professeur de philosophie HDR à l'université catholique de Lyon depuis 1992, où il a été doyen de la Faculté de philosophie et sciences humaines de 2005 à 2014, puis Vice-recteur chargé de la recherche tout en étant directeur du CRESO (Centre de Recherches en Entrepreneuriat Social) de 2016 à 2020, et vice-recteur chargé de mission de 2020 à 2021.

Il a consacré une grande partie de ses travaux et publications à la pensée de Simone Weil, mais aussi à celle de Maurice Blondel et d'autres auteurs contemporains (Hans Urs von Balthasar, Hannah Arendt, Edith Stein, Karol Wojtyla, Gabriel Marcel, Michel Henry, Jean-Luc Marion...)

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Dernière mise à jour : 26/02/2024